Tony Marlow
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


  
-Interview dédiée à Seb «SF Sorrow»-

Tony, ton dernier album solo «Knock Out !» est le deuxième édité par le label Skydog de Marc Zermati. Peux-tu, dans un premier temps, me parler de ta rencontre avec lui et de votre collaboration ?
Avec Marc nous nous connaissons depuis les années 1970. A l’époque il avait une boutique qui s’appelait l‘Open Market. C’était un haut lieu du rock sur Paris et on y dénichait plein de disques qui étaient introuvables ailleurs.

Marc était assez ouvert musicalement et, de ce fait, on y trouvait aussi bien des albums des Stooges, des Flamin’ Groovies, Dr Feelgood que des bootlegs de Charlie Feathers…
J’étais client du magasin et, un jour, je lui ai dit que j’avais comme objectif de monter un groupe de rockabilly. Cela l’a intéressé et il a demandé d’être tenu au courant de l’avancement de ce projet.

Une fois prêts, avec les autres membres du combo, nous avons recontacté Marc qui nous a permis d’enregistrer le premier 45 tours des Rockin’ Rebels sur son label Skydog. C’était en 1978... Je le considère donc comme un ami depuis, maintenant, plus de trente ans.

Ton premier disque en solo sur ce label «Guitars Party» a été enregistré il y a quelques années. Tu y jouais de tous les instruments contrairement à ton dernier opus «Knock Out!» qui a été réalisé avec l’étroite complicité d’autres musiciens. Peux-tu me les présenter ?
Il y a trois ans, sur mon précédent disque, j’avais créé un concept en hommage aux guitaristes. J’y jouais de la guitare, de la basse et de la batterie. Sur une bonne partie des morceaux j’étais, cependant, épaulé par Frank Abed à la contrebasse.

Pendant trois années j’ai tourné avec Vintage Bob à la batterie et Andras Mitchell à la basse et à la contrebasse. Ce sont eux qui ont participé aux sessions de ce nouveau CD.

Un disque qui semble être une véritable «palette» qui représente la diversité du rock’n’roll. Je pense qu’il s’agit d’un choix délibéré de ta part…  
Actuellement j’essaye vraiment de me «lâcher». C’est-à-dire de synthétiser tout ce que j’aime dans le rock’n’roll et de mixer l’ensemble sur un même disque. Il ne s’agit que de compositions originales…

Durant des années je me suis appliqué à reproduire des titres de Gene Vincent, Eddie Cochran, Elvis Presley et consorts. Au bout d’un moment, mon objectif principal était de trouver ma petite touche personnelle. C’est ceci qui explique la diversité de genres que l’on trouve sur cet album.

Peux-tu m’en dire plus sur les différents titres qui agrémentent le disque ?
Il y a des titres purement rock’n’roll comme «Ridin’ To The Ace» ou «Fifty Nine Club» qui sont des hommages appuyés au mouvement anglais.

«Ridin’ To The Ace» évoque aussi le Ace Cafe de Londres qui est un endroit mythique où tous les «bikers » anglais se réunissaient dans les années 1950-60. Notamment le 59 Club qui était un club de motards créé par un prêtre anglais (le Curé John Oates, nda) qui voulait, au départ, remettre les jeunes dans le droit chemin. Il est allé les voir un jour, en soutane sur sa Triumph, au Ace Cafe et il leur a suggéré d’assister à une messe. Il leur a même proposé d’entrer avec leurs bécanes dans l’église. Il a lancé l’invitation en imaginait ne voir débarquer, à tout casser, qu’une dizaine de motos.

A la surprise générale il y en a eu plusieurs centaines. C’est comme ça qu’est né le Club 59 qui est devenu le plus célèbre d‘Angleterre. Il n’a rien à voir les clubs dédiés aux bikers qui roulent en Harley Davidson. C’est un autre trip, le Club 59 c’est bécanes et rock’n’roll mais sans tomber dans les clichés, c’est très particulier…
Aujourd’hui il y a des antennes du Club 59 dans différents pays d’Europe dont la France. Je l’ai intégré et je roule avec eux… Ces deux titres sont vraiment du vécu en ce qui me concerne…

Cette passion de la moto remonte-t-elle à loin ?
Oui, cela remonte à mon adolescence !
Je faisais des conneries en mobylette avec les potes et rêvant de passer le permis moto. Un jour je me suis, enfin, lancé…

D’où, aussi, le fait d’inclure dans l’album le titre «Born To Be Wild», qui est une reprise du groupe Steppenwolf. C’est une grande chanson, issue de la bande originale du film «Easy Rider» (réalisé par Dennis Hopper en 1969, nda). Aimant beaucoup ce morceau, je me suis dit qu’il pourrait être sympa de le réarranger à la sauce rockabilly. C’est-ce que l’on a fait avec une contrebasse qui «slappe».

La version originale de cette chanson est jouée en binaire alors que nous en proposons une relecture jouée en «shuffle ternaire». En rockab’ quoi !

Tu me rappelle certains personnages de l’univers dessiné de Frank Margerin à travers sa série «Lucien» (parue initialement chez Les Humanoïdes Associés et reprise par les éditions Fluide Glacial, nda). Revendiques-tu cette appartenance à une certaine banlieue parisienne, avide de rock’roll et de virées entre potes ?

Oui complètement, Lucien c’est super !
Frank Margerin fait, lui-même, de la moto et vient parfois rouler avec le Club 59. J’aime beaucoup ses bandes dessinées et son personnage principal !

C’est presque une nostalgie car elles évoquent une banlieue parisienne qui, malheureusement, n’existe plus aujourd’hui. Les petits pavillons de banlieue avec les rockers qui se réunissaient au «rade» du coin, les petites vieilles avec leurs chiens, les Renault 4CV, les Peugeot 403...
Tour cela est une époque révolue, mais je m’éclate toujours en relisant ces albums de Margerin.

Tu parlais, tout à l’heure, de ton adaptation de «Born To Be Wild». De quelle manière t’y es-tu pris pour «déstructurer» puis «restructurer» le morceau ?
Je ne l’ai pas vraiment «déstructuré», en fait nous respectons à peu près la structure d’origine. C’est juste la façon de le jouer qui est différente. Cela fait partie de ma démarche qui est d’essayer de mélanger un maximum de choses afin de trouver une petite touche personnelle.

On connaît ton amitié avec Eddie Angel du groupe Los Straitjackets. Comment vous êtes-vous connus. Avez-vous conservé des contacts réguliers et jouez-vous encore, de temps en temps, ensemble ?
J’ai des relations amicales avec lui mais il est, surtout, l’un de mes guitaristes préférés. Il jouait dans les années 1980 au sein d’un groupe qui se nommait The Planet Rockers. A l’époque j’organisais des dimanches après-midi rockabilly au Slow Club et j’y ai programmé deux fois ce groupe.

J’ai souvent vu Eddie en live et je trouve son style de jeu particulièrement original. Il m’a énormément influencé…
D’ailleurs il y a un titre sur l’album, «Guitar Slinger», qui est un clin d’œil accentué à ce musicien !

Il t’arrive aussi, avec ton groupe, d’emprunter la «marque de fabrique» de Los Straitjackets en revêtant des cagoules de catcheurs mexicains…

Oui, complètement !
C’est eux qui ont remis la chose au goût du jour. Cela remonte à une tradition qui date de la fin des années 1950 et du début des années 1960. Les groupes mexicains, surtout instrumentaux, jouaient avec des masques de catcheurs. Los Straitjackets a repris cette idée à la fin des années 1980.



Il y a aussi eu un phénomène de mode pour cette musique grâce au film «Pulp Fiction» dans lequel le réalisateur, Quentin Tarantino, a intégré des morceaux instrumentaux de surf à la Dick Dale ou à la Link Wray.

Du coup il y a de nombreux jeunes qui ont créé des groupes de surf et qui jouent avec des cagoules. L’an dernier, lors d’un concert dans le centre de la France, notre première partie était assurée par un groupe qui se nomme les Bonzers. Il n’effectuait que des instrumentaux et tous les musiciens portaient des cagoules. Ces gamins devaient avoir entre 20 et 22 ans…

A l’instar du groupe Los Straitjackets, es-tu aussi amateur de vieux films de série Z mexicains qui mettent en scène des catcheurs ?
Oui, mais ils sont difficiles à trouver !
Heureusement, qu’aujourd’hui, avec Internet on peut trouver des extraits sympas sur des sites tels que Youtube.
D’une manière générale j’aime bien les films de série Z, les bons «nanars» (rires)!

En effet, comment peut-on vivre sans avoir vu «King Kong contre Godzilla» (film américano-japonais d’Ishori Honda sorti en 1962, nda) !

Oui, absolument ! Sans parler de «L’Etrange Créature Du Lac Noir» («The Creature From The Black Lagoon» (film américain de Jack Arnold sorti en 1954, nda), c’est vraiment super (rires) !

Quels sont les musiciens dont tu te sens le plus proche en France, quels sont tes amis dans le circuit ?
J’ai des liens d’amitié avec pratiquement tous les groupes de rock’n’roll et de rockabilly qui tournent en France. Certains sont de «vieux potes » comme Alain Chennevière qui était le chanteur des Alligators.

Nous nous sommes connus à la fin des années 1970 et nous jouions souvent ensemble avec nos groupes respectifs (les Alligators et les Rockin’ Rebels, nda). Je connais aussi beaucoup d’artistes plus récents comme je suis toujours resté dans le circuit, via l’organisation de soirées ou la conception de compilations. C’est une famille…

Que penses-tu de groupes plus récents tels que les Washington Dead Cats ou Lord Fester Combo. Suis-tu leurs parcours ?

Oui, d’autant plus que ce sont des potes !
Lord Fester (Fred Beltran de son vrai nom) je le connais depuis les années 1980, idem concernant Mathias, le chanteur des Washington Dead Cats…

On se croise régulièrement lors de soirées, à Paris, que ce soit à La Féline ou à La Mécanique Ondulatoire. De plus j’aime bien le psychobilly, surtout quand il y a encore le billy dans le psycho (rires) !
C’est leur cas !

Le rock’n’roll en français t’est-il devenu complètement étranger ?
Non, j’ai chanté en français à certaines époques et je n’ai absolument rien contre.
Il est vrai que depuis quelques années ma démarche est plutôt de chanter en anglais.
D’une part car il s’agit de la langue officielle du rock’n’roll et d’autre part car cela nous permet de nous produire dans d’autres pays européens.

Afin d’être «booké» en Allemagne, Angleterre ou Hollande je suis obligé de passer par là. C’est la langue internationale pour cette musique !
Par contre, je reste persuadé que l’on peut faire du très bon rock’n’roll en français !

Je sais que tu aimes beaucoup des artistes catalogués dans la musique folk. Des songwriters tels que Gordon Lighfoot par exemple. Est-ce un registre dans lequel tu pourrais, en utilisant des textes plus « engagés », t’aventurer dans les années à venir ?
Pourquoi pas, il faut voir…
Effectivement j’aime bien Gordon Lighfoot. D’ailleurs il m’arrive de reprendre, sur scène, sa chanson «Early Mornin’ Rain». Je suis aussi touché par le morceau «Gentle Of My Mind» qui avait été popularisée par Glen Campbell puis par Elvis Presley…

Il est vrai que c’est un style musical qui permet de développer les textes. Contrairement au rock’roll où il faut faire quelque chose de court et de «rentre-dedans»…

As-tu, déjà, des idées en tête concernant la suite de ta carrière ?
L’idée serait, grâce au disque «Knock Out !» qui a reçu un très bon accueil un peu partout, d’élargir le cercle de nos concerts. J’entends par là d’arriver à toucher des programmateurs plus rock au sens large et de ne pas nous cantonner au circuit rock’n‘roll pur et dur.

J’aimerais bien jouer au milieu de groupes qui se produisent dans des registres différents. Cela permettrait de faire connaître cette musique à un public qui n’en a pas forcément une image exacte.
Sinon, je n’ai pas encore eu le temps de penser à la suite de ma production discographique.

Toi qui as la chance de te produire à travers plusieurs pays européens. Comment juges-tu la scène française par rapport à celles que tu peux connaître par ailleurs ?

Hélas, il faut bien avouer que la musique que je pratique a du mal à trouver sa place en France. Cette scène redémarre très fort dans des endroits tels que l’Allemagne ou l’Espagne. En Angleterre, ce qui y est une très forte tradition continue de vivre des beaux jours. Chez nous ça a bien marché dans les années 1980 et jusqu’au début des années 1990. Aujourd’hui ça s’essouffle un peu…



Nous manquons d’un «vrai circuit» au sein duquel les groupes pourraient se produire ainsi que d’un vrai renouvellement du public. Il y a des jeunes, mais ils sont vraiment minoritaires, surtout lorsque l’on fait la comparaison avec nos voisins européens. Chez ces derniers on retrouve, aussi, un grand intérêt de la part des jeunes filles comme au Festival de Waldorf (Allemagne) où nous nous produirons demain.

Il y existe toute une culture qui va des pin-ups aux tatouages, en passant par les hot rod (voitures anciennes complètement «relookées» et customisées, nda. Il n’y a que chez nous que ce mouvement reste autant marginal.

Cette culture rock’n’roll est très liée à l’image. Une chose que l’on ressent à travers tes pochettes d’albums qui sont toujours particulièrement soignées…

Oui, ces pochettes représentent ce que je suis. Il n’y a pas de déguisements…

Existe-t-il, aujourd’hui, un vrai lieu de ralliement pour les amateurs de rock’n’roll à Paris… comme cela était le cas, à tes débuts, avec le Golf Drouot ?
Il y a quelques endroits sympas mais, là aussi, ça reste marginal…
Je peux citer Les Indian’s à Montreuil qui est un Club qui programme des concerts deux fois par mois. Il y a aussi La Féline dont je parlais précédemment qui est un Bar très sympa. Malheureusement ça reste des petits endroits isolés, c’est un peu «underground»…

Il n’existe pas de lieu, consacré à cette musique, qui ait «pignon sur rue» et qui puisse développer quelque chose de plus sérieux.

Quels sont tes souhaits pour l’avenir ?
Avant tout parvenir à transformer l’essai réalisé avec l’album «Knock Out!».
C’est-à-dire, tourner dans un circuit plus large. J’aimerais aussi que le rock’n’roll retrouve sa place en France, ce serait super !

As-tu une conclusion à ajouter à cet entretien ?
C’est toujours un plaisir de te rencontrer et de discuter avec toi David !
Nous faisons un «petit bilan» tous les trois ans, à chaque sortie d’album et c’est vraiment sympa !
Longue vie à ton émission « Route 66 » !

www.myspace.com/tonymarlowsguitarparty

 

 
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myspace.com/tonymarlowsguitarparty

Interview réalisée
Caf’ Conc’ d’Ensisheim
le 21 mai 2010

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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